Le
PSDH et l'aménagement du territoire du Grand-Sud d'Haïti
Jean-François
Tardieu,
Chef
de Département d'Aménagement du Territoire
à
l'Université Notre-Dame d'Haïti, UDERS des Cayes
Adaptation
française de la conférence prononcée le 8 avril 2015 aux Cayes
Du
17 au 31 mars 2015, une mission d'experts Canadiens est venue
apporter son aide à Haïti dans le domaine de la planification
stratégique, cela dans le cadre du « Projet d'Appui au
Renforcement de la Gestion Publique en Haïti ». Cette mission
aurait recommandé de créer un nouvel organisme qui aurait la charge
d'inciter tous les Ministères à respecter le Plan Stratégique de
Développement d'Haïti (PSDH).
Alors
que ces conseils étaient prodigués pour faire atterrir le PSDH, il
n'y a jamais eu, comme cela aurait dû être, une large campagne de
consultations publiques, ni même un effort sérieux de consultation
auprès des experts Haïtiens, sur ce document produit pour Haïti
par une compagnie canadienne. Le Département d'Aménagement du
Territoire de l'Université Notre-Dame aux Cayes a donc décidé de
lancer le débat sur le PSDH. Ainsi, ce texte traite de l'Aménagement
du Territoire du Grand-Sud d'Haïti en prenant le PSDH comme point de
départ.
Missions du Plan Stratégique de Développement
d'Haïti (PSDH)
Le
PSDH s'est donné trois missions :
La première est de tracer le chemin à suivre pour sortir le pays
de la situation de sous-développement dans laquelle il se trouve.
La deuxième mission est de mobiliser et de rassembler tous les
acteurs autour d'une stratégie unique. Cette stratégie devrait
conduire à ce que dans tous les domaines et dans toutes les régions
du pays, les actions soient coordonnées pour atteindre le même
objectif.
La troisième mission est de garantir une coordination de toute ces
initiatives qui sont prises dans le but formel de participer au
développement du pays.
Aborder
la problématique de l'aménagement du territoire force à considérer
les autres domaines puisque dans la stratégie comme dans la vie,
tout est lié.
Beaucoup
confondent aménagement du territoire et zonage. Le zonage consiste
pour une autorité d'établir des règles à propos des activités ou
des établissements qui sont encouragés, autorisés ou interdits
dans un périmètre. Par exemple :
Il est interdit de construire dans les ravines; les berges des
rivières doivent être obligatoirement plantés de bambous.
La zone centrale du Parc Macaya doit être gérée par l'État.
La Plaine du Cul-de-Sac est décrétée zone agricole.
Ces
mesures de zonage font partie de l'aménagement du territoire qui est
un domaine bien plus vaste. L'aménagement du territoire est la façon
dont une société gère le positionnement et le mouvement de ses membres, de ses
activités et de ses ressources dans une région qui peut être une
section communale, une commune, un département, un bassin versant,
une agglomération urbaine, une plaine, l'aire d'influence d'une
ville ou d'un marché etc. Les règles et actions d'aménagement du
territoire par les pouvoirs publics devraient être guidées par
l'idée du bien commun à court, moyen et long termes.
Le pacte du PSDH
Le
PSDH statue sur un pacte en 8 points qui traitent d'économie, de
rapports sociaux, d'aménagement du territoire et de politique en
général :
Dans le domaine de l'économie
Pour traiter la crise actuelle et les défis qui se présentent à
nous, le PSDH opte pour une stratégie de croissance économique
forte et durable.
Cette croissance doit être réalisée par la création de richesse
et d’emplois. À bien examiner, le PSDH orienterait les acteurs
vers la création de richesses ET d'emplois. Les options économiques
devraient dès lors d'une part conduire à l'augmentation du
patrimoine national et d'autre part viser la réduction du chômage
et du sous-emploi.
Le développement doit être mené par le secteur privé ; l'État
oriente et supporte.
Dans le domaine social
Il est fait choix de l’inclusion sociale. À bien comprendre, le
Plan conduirait à une ouverture sur les groupes sociaux qui,
jusqu'à aujourd'hui, subissent des blocages de toute sorte au
bénéfice des monopoles ou oligopoles qui freinent le développement
économique du pays.
Le choix est fait aussi de l’offre des services de base à la
population.
Dans le domaine de l'aménagement du territoire
Le PSDH décide de s'asseoir sur un développement polarisé (même
lorsque le document montre une incompréhension du concept). Il fait
choix de pôles régionaux de développement à l’échelle des
départements géographiques,
et choix des Chefs-lieux d’Arrondissement comme pôles locaux de
développement.
Dans le domaine politique
Le Plan fait le choix de la construction d’un État fort,
déconcentré et décentralisé.
En résumé
Il
est possible de résumer le contrat du PSDH en quatre éléments :
Une croissance économique rapide mais surtout durable.
La décision de s'asseoir sur le secteur privé (qui inclus, il ne
faut pas l'oublier le secteur coopératif).
La décision de se baser sur les pôles géographiques pour animer
le développement.
L'équité, qui sociale qui géographique, ce qui conduit à
l'inclusion sociale, à l'offre de services de base et à la
décentralisation.
En
une phrase, le PSDH c'est engager le pays dans un développement
polarisé, libéral et équitable.
Ces
quatre éléments constituent le leitmotiv des réflexions qui
suivent.
Le développement polarisé
Dans
le PSDH, l'option intégratrice des actions est sans ambages la
polarisation. Faute d'une bonne utilisation du concept dans les
documents du PSDH, il est nécessaire de s'arrêter un moment
là-dessus.
Le
concept de polarisation a été développé par François Perroux.
Une phrase célèbre résume l'idée :
« La croissance n'apparaît pas
partout à la fois ; elle se manifeste en des points ou pôles
de croissance (…) avec des effets terminaux variables pour
l'ensemble de l'économie »
Pôles économiques
Il
est important de mentionner qu'au départ, le concept de polarisation
n'est pas géographique. Un pôle est d'abord une activité ou groupe
d'activités économiques capables d'entraîner dans leur croissance
ou leur déclin, l'ensemble de l'économie. Les économistes habitués
à manipuler les matrices input-output peuvent facilement comprendre.
Concrètement, une entreprise utilise des bien acquis ailleurs et
peut fournir des biens et services à d'autres entreprises. Quand la
production d'un pôle économique augmente, la demande d'intrants
augmente et l'offre aussi, à des prix généralement inférieurs.
Ces deux résultats conduisent à une croissance de l'ensemble de
l'économie.
Quelles
conséquences pour la planification ? Si le choix est fait d'un
développement polarisé, une activité détachée de l'économie
nationale ne peut être priorisée. C'est ainsi que ni la
sous-traitance ni les zones franches ne peuvent constituer la base
d'un développement polarisé. Cela n'exclus la participation ni de
la sous-traitance ni des zones franches dans le développement
économique. Cependant ces options ne peuvent être prises comme
fondatrices.
Pôles géographiques
Mais
le développement économique polarisé a des conséquences dans
l'espace géographique. Les pôles économiques sont géographiquement
agglomérés ; cela conduit à la polarisation géographique. Un
pôle géographique entraîne dans sa croissance ou son déclin toute
la région qui tombe sous son influence.
Trois
facteurs entraînent la polarisation géographique :
Le premier facteur est l'économie d'échelle qui fait qu'une
industrie a une taille optimale où les coûts de production sont
plus faibles. Si par exemple une entreprise peut produire 1000
bocaux de confiture par jour et que, pour une raison ou une autre
elle n'y arrive pas, ses coûts moyens augmentent.
Le second facteur est l'économie de localisation qui fait que
plusieurs industries de même type ou complémentaires ont avantage
à se regrouper dans le territoire. Par exemple, un chimiste contracté
par un fabricant de confiture a intérêt à s'établir tout près.
Le chimiste pouvant desservir plusieurs fabricants, plusieurs
entreprises, il attire l'établissement d'autres fabricants qui bénéficient d'une économie externe c'est-à-dire d'un avantage qui est indépendant de l'entreprise elle-même. L'économie de localisation est à la base de la politique des
clusters en vogue actuellement.
Le troisième facteur qui stimule la polarisation géographique est
l'économie d'agglomération. Une ville qui offre une variété de
ressources, un environnement favorable et un marché attire des
entreprises de toute sorte à cause de ces économies externes.
Dans
une option de développement polarisé, ces trois facteurs doivent
constamment être considérés.
Une
option réaliste et libérale qui de surcroît offre à tous les
acteurs une chance de participer au développement, conduit à
dynamiser les pôles économiques et géographiques déjà existants.
Parler d'équité exige en plus une volonté manifeste d'en finir
avec l'apartheid économique, un effort particulier pour supporter les
micro-entreprises qui, souvent, sont réduit par le système en place
à rester dans l'informel.
Outre
l'équité économique, l'équité géographique demande à la fois
la décentralisation et la déconcentration.
Considérations erronées du PSDH sur les pôles
géographiques
Avant
de passer aux considérations du PSDH sur l'aménagement du
territoire, il est utile de jeter un coup d'œil sur la répartition
des pôles géographiques sur le territoire du pays.
L'observation
de la répartition de quatre niveaux de villes selon leur population
amène au constat que ces pôles sont concentrés dans les
départements de l'Ouest, de l'Artibonite et du Nord. Dans le Sud, la
ville des Cayes est seulement au troisième niveau. Si la région est
prolongée jusqu'à Gressier, elle comprend aussi, au troisième
niveau, Petit-Goâve et Léogâne. Ensuite, Jérémie, Jacmel et
Grand-Goâve se trouvent au quatrième niveau
1. Cela signifie que le
Grand-Sud souffre d'un déficit de grandes agglomérations urbaines.
Par
contre, la région comprend une quantité appréciable de gros
marchés publics. De Anse d'Hainault à Gressier, on y trouve plus
d'une quinzaine de ces marchés à très forte fréquentation. Cela
signifie qu'une planification territoriale bien pensée du Grand-Sud
devrait particulièrement considérer les marchés publics dans la
problématique de la polarisation.
Le
PSDH déclare que pour dynamiser le développement du pays, il opte
pour des « pôles » qu'il choisit sur la base des
divisions administratives. C'est ainsi que Port-au-Prince est déclaré
pôle national, que le Cap et les Cayes sont déclarés grand pôles
régionaux, les chefs-lieux de départements sont déclarés pôles
régionaux (en plus de Saint-Marc et de Mirebalais), les chefs-lieux
d'arrondissements sont déclarés pôles locaux.
Depuis
1989, à la sortie du document « La relance des régions »,
c'est cette approche qui est adoptée par le Ministère de la
Planification.
À
l'examen, cette vision est en porte-à faux de la polarisation bien
comprise. En effet, comment, dans un plan de développement
économique, Belladère avec ses 2 000 habitants peut-il être
considéré au même titre que Anse d'Hainault qui a une population
de 12 000 habitants ? Comment positionner Miragoâne de
12 000 âmes au même niveau que Jacmel ou Jérémie qui ont
40 000 habitants ?
Les divisions administratives n'ont pas
été conçus pour générer un développement économique. Il n'y a
aucune raison de croire que forcer une polarisation hiérarchisée en
fonction des divisions administratives conduirait à une croissance
plutôt qu'à un déclin. C'est un choix risqué sinon dangereux.
Le PSDH sur le Grand-Sud
En
ce qui concerne le Grand-Sud, 3 document de base traitent de la
planification pour les départements du Sud, de la Grand'Anse et des
Nippes. Le premier est un diagnostic, le second contient des
propositions stratégique et le troisième une liste de projets
bancables. D'autres documents qui traitent du Sud-Est sont animés
par la même logique.
Le
document diagnostic comprend une description de la région : sa
délimitation, sa géographie physique, ses caractéristique
démographiques. Il aborde l'occupation du sol, la question de
l'environnement physique, les attraits touristiques, les
infrastructures, la pêche, l'agriculture, le tourisme. Aucun
diagnostic sur la polarisation actuelle ou potentielle économique ou
géographique.
Or,
un plan d'aménagement du territoire se doit de considérer à la
fois et de façon combinée :
les régions uniformes caractérisés par une ressemblance eu égard
à un certain nombre de paramètres : les plaines versus zones
pentues, les régions rurales, les agglomérations urbaines, les
régions uniformes quant-aux revenus, les régions administratives
etc.
et les régions polarisées comme la zone d'influence d'une
agglomération urbaine ou d'un marché.
C'est
l'étude de ces deux catégories de régions qui permettent de
définir dans un soucis d'optimalisation, les régions programmes (ou
régions-plan), c'est-à-dire qui seront sujets à une gestion
spécifique des pouvoirs publics. Ces régions devraient également
considérer les plans des agents économique, plans qui ont aussi une
dimension géographique. Mais si le choix est fait d'adopter la
polarisation comme base, la considération des régions polarisées
devient prioritaire.
Le
constat est que le diagnostic du PSDH pour le Grand-Sud se base sur
les régions uniformes, dont les divisions administratives, cela en
contradiction avec la ligne affichée qui est le développement
polarisé. Il y a là une faiblesse conceptuelle évidente.
La
faiblesse du PSDH conduit à des errements, jusqu'à l'amalgame
conceptuel. En effet, alors que le Plan opte pour les pôles de
développement, c'est le modèle de développement de Michel Porter
qui est présenté, modèle étranger au cadre théorique de François
Perroux.
Michel
Porter a travaillé sur les grand pays industriels tels les
États-Unis d'Amérique, le Japon, l'Italie, l'Allemagne et la Corrée
du Sud, tous des pays qui ne supportent aucune comparaison de
dimension, d'histoire et de structure avec Haïti. De plus, ses
« clusters » ne sont pas de réels pôles de
développement au sens de Perroux.
Perroux,
l'un des plus grands économistes du 20e siècle, chrétien avec des
convictions humanistes, s'est particulièrement intéressé au
sous-développement, à l'Afrique et à l'Amérique Latine. Très
critique par rapport à la science économique traditionnelle, il
fait largement appel à l'histoire et aux questions de pouvoir et
d'inégalités entre agents économiques et nations.
Ces
deux approches ne peuvent pas aussi facilement être assimilées.
Dans cette ambiance amalgamée, le PSDH qui ne site Perroux nulle
part, donne une définition tout à fait débile de pôle de
développement.
« Pòl – nan dokiman sa se kote,
pwen, vil ke leta chwazi pou l mete yon seri aktivite ekonomik. Vil
Caracol vin tounen yon pòl devlopman a kòz de faktori, lojman, izin
kouran, eks. Ke yap mete ladann. »
(Pôle – dans ce document, c'est un
endroit, un point, une ville que l'État choisit pour y installer une
série d'activités économiques. La ville de Caracol est devenu un
pôle de développement de par les factoreries, les logements, la
centrale électrique qui vont y être installés.)
Cette
conception est très loin de l'idée d'un lieu central assis sur des
pôles économiques et capable d'entraîner une région dans sa
croissance ou son déclin. De surcroît, d'où sort l'idée pour
l'État, dans une approche libérale, de se donner un rôle aussi
actif de l'ACTEUR qui positionne les activités économiques dans le
territoire ?
Cette
faiblesse conceptuelle empêche au PSDH d'offrir un cadre d'insertion
des activités de développement économique et social. C'est sans
doute cela qui conduit le PSDH à présenter pour le Grand-Sud dans
l'horizon 2012-2015, un simple catalogue de projets déconnectés de
toute logique unitaire. Arrivés à la fin de ladite période, force
est de constater que rares sont les projets menés à bon port. Dans
la pratique, le PSDH s'est donc révélé une boite vide.
Les actions du gouvernement dans le Grand-Sud, et
le PSDH
Pendant
que le Ministère de la Planification faisait la promotion du PSDH,
le Premier Ministre (Laurent Lamothe, également Ministre de la
Planification), sans aucune vision stratégique, s'est mis à
produire des « plans spéciaux » ici et là : 5 pour
le Grand-Sud :
Jérémie,
Les Cayes,
l'Île-à-Vache,
Bernargosse,
et Côte-de-Fer.
Le
cas de Côte-de-Fer éclaire suffisamment. Ce sont 37 petits projets
sans liens que contient son plan spécial : parc sportif,
bord-de-mer, marché public, lampadaires, lycée, traitement de
ravine etc. L'approche par plans spéciaux, faute de vision,
hypothèque en fait le développement économique et social, pénalise
la population et la région à long terme.
Un
autre exemple terrible de l'absence non seulement de cadre mais aussi
de considérations économiques est l'idée de construire 4 aéroports
internationaux dans le Grand-Sud : à Jérémie, aux Cayes, à
l'Île-à-Vache et à Côte-de-Fer. Où est le calcul de rentabilité
de ces importants investissements ?
Finalement,
le gouvernement haïtien a commandé l'élaboration d'un Plan
Stratégique de Développement. Ce Plan, faible au niveau du cadre
conceptuel, est caractérisé par une somme de projets déconnectés.
Sans considération de ce PSDH, le gouvernement a opté pour la
réalisation d'une série de plans spéciaux plus faibles encore que
le PSDH et étrangers à un processus de développement économique
et social.
Propositions sur trois axes
Au
vu de ce constat, un effort de la pensée est nécessaire. Le lecteur
trouvera dans ce qui suit des pistes pour un véritable aménagement
du territoire polarisé dans l'optique de l'invitation du Pape
François : « Je vous exhorte à la solidarité
désintéressée et à un retour de l’économie et de la finance à
une éthique en faveur de l’être humain. »
La
proposition s'assied sur trois axes de réflexions et d'actions :
La résolution de la contradiction engagée depuis la colonie entre
ce que Georges Anglade nomme les réseaux de prélèvement d'une
part et les noyaux de résistance de l'autre.
La prise en compte des régions uniformes physiques et sociales.
L'identification des régions polarisées actuelles ou potentielles.
Réseaux de prélèvement et noyaux de résistance
Le
premier axe concerne les rapports entre réseaux de prélèvement et
noyaux de résistance.
Les
réseaux de prélèvement relèvent d'un projet de développement
exogène, au service des grandes puissances du monde. Ce projet était
le fondement de la colonie. Après l'indépendance, pour diverses
raisons, les oligarchies ont défendu ce projet : créoles,
commerçants étrangers du bord-de-mer, européens, caraïbes, juifs
et arabes. Même modéré Dessalines a joué cette partition.
Aujourd'hui, ce projet oriente vers la mécanisation sans réflexion
de l'agriculture, vers une agriculture d'exportation, vers un secteur
secondaire qui privilégie les zones franches et la sous-traitance. À
l'évidence, ce projet est incompatible avec un développement
polarisé. Présentement, ce sont ce que Fritz Jean appelle Réseaux
Sociaux d'Accumulation qui défendent ce projet avec le plus
d'agressivité.
Face
à ce projet, même en relation forcée avec lui, se dressent les
noyaux de résistance. Ils tirent leur source du marronnage. Les
noyaux cherchent l'autonomie. Dans le domaine de l'agriculture, le
choix prioritaire est la production de vivre pour consommation
nationale. C'est un projet endogène de développement qui seul, dans
le court terme, est compatible avec un développement polarisé.
La
contradiction entre réseaux et noyaux accapare dans une lutte
stérile l'énergie qui pourrait alimenter le développement
économique et social. Il faut nécessairement un nouveau contrat
social qui puisse résoudre cette contradiction. La prise en compte
de cette dynamique sociale est incontournable.
Les régions uniformes
Cela
dit, les espaces uniformes construits ou à construire sous les
contraintes naturelles et humaines sont un deuxième pilier pour
l'aménagement du territoire. Les unités naturelles contraignent
mais offrent aussi des opportunités spécifiques aux activités
économiques. De la même manière, les régions sociales doivent
être traités dans leurs positionnements actuels en regard à la
dynamique de développement : zones rurales essentiellement
paysannes, métropoles soumises aux réseaux sociaux d'accumulation
au sens de Fritz Jean et malades de la mondialisation, cités occupés
par un lumpenprolétariat dominé par des gangs, villes moyennes
animées par les oligarchies de province et... la diaspora. Ce
diagnostic des régions uniformes va donc bien au-delà de la simple
description de ce qui est observable à l'œil ou sur Google. Et le
diagnostic physique, et le diagnostic social sont affaire de
compétences affirmées et hautement critiques.
Les régions polarisées
L'analyse
des régions uniformes permet de mieux aborder les questions de
polarisation. D'ailleurs, l'étude des classes de densité est l'un
des meilleurs moyens d'identifier les pôles géographiques. C'est ce
qui a été fait dernièrement pour le département du Nord-Ouest.
Mais
il faut toujours tenir en tête que la polarisation géographique
provient de la polarisation économique. Un diagnostic des activités
potentiellement motrices est essentiel.
Quant
aux lieux centraux, particulièrement dans le cas du Grand-Sud
d'Haïti, la localisation des pôles géographiques potentiels doit
tenir compte des marché publics ruraux.
Il
faut considérer que la dynamique de polarisation doit tenir compte à
la fois des économies d'échelle, des économies de localisation et
des économies d'agglomération.
Régions programmes et redécoupage administratif